Du 18 au 20 Mai 2016 s’est tenu le premier forum Franco-Brésilien sur les circuits courts alimentaires intitulé « paysans et consommateurs unis pour un commerce juste et solidaire ». Il prenait acte que le terme « circuits courts » restait peu diffusé au Brésil, comme le concept de système alimentaire territorialisé. Par ailleurs, les organisateurs constataient les progrès en France du commerce équitable local ; approche dominante au Brésil où le « commerce équitable » national est défini légalement. L’heure de cette première rencontre était donc à la comparaison, à la fois des pratiques concrètes d’alimentation locale et des concepts qui permettent de les faire avancer.

La table ronde inaugurale a permis aux partenaires français de faire un tour d’horizon des circuits courts, en France où ils s’appuient sur les dynamiques de la société civile, et dans le monde. Gilles Maréchal (Cabinet Terralim) et Claire Lamine ont présenté les initiatives concrètes et les concepts sur lesquels s’appuient à la fois les paysans et les consommateurs. Julian Perez (réseau Ecovida) a développé l’approche au Brésil et notamment la question de la certification participative des produits agricoles qui a une reconnaissance légale dans le cadre du commerce équitable. La situation dans l’état de Rio a quant à elle été décrite par Lidiane Fernandez (université fédérale rurale de Rio de Janeiro). La comparaison des deux a montré le décalage de la perception entre les deux pays. En effet, le Brésil est soumis à un contexte fortement inégalitaire et insiste sur la dimension « justice sociale » alors qu’en France la proximité est le maître mot. Toutefois, il est important de noter que l’évolution dans chacun des deux pays oriente les initiatives vers les priorités de l’autre : il en est ainsi du commerce équitable local en France et de la prise en compte de la proximité des producteurs au Brésil.

Le 19 Mai, une seconde table ronde a permis d’examiner des expériences concrètes, menées en France et au Brésil. Elles ont été présentées par des agriculteurs engagés dans les circuits courts (Olivier Clisson de l’association le Clic des Champs, Jean-Sébastien Piel de la Ferme du pressoir / magasin brin d’herbe pour la France, Raoni Lustosa de la coopérative Coopaterra et Seu Valdir pour le Brésil) et des consommateurs (Jean-Christophe Binard pour les AMAP en Bretagne et Julia Stadler pour Rede Écologica – réseau écologique à Rio).

Ces expériences vécues ont donné à tous des repères concrets pour les examiner sous l’angle du commerce équitable. Cristina Ribeiro (réseau d’agriculteurs biologiques de Rio) et Rosemary Gomes (promotrice historique de l’économie solidaire et du commerce équitable au Brésil) ont décrit le cadre juridique particulier du pays. Ce dernier reconnaît 3 types de certifications (externe, participative et déclarative) qui permettent de privilégier un commerce équitable en faveur des Brésiliens. Blaise Berger (agent de développement rural), Gérard Bricet (producteur de lait), Imène Djaroud et Stéphane Rouxel (association AMAR) ont alors discuté les inter-relations entre les modes de certification en France et les enjeux pour relocaliser le commerce équitable.

La troisième table ronde a été consacrée aux politiques publiques qui peuvent permettre le développement des circuits courts et de l’alimentation de proximité. Au Brésil, hormis pour les politiques d’achat public pour les cantines fortement financée par l’état fédéral (programme national d’alimentation scolaire, programme d’acquisition d’aliments), les collectivités brésiliennes sont pour l’heure peu engagées dans l’accompagnement des initiatives citoyennes. Celles-ci sont souvent à l’état embryonnaire. Joaquim Valim (chargé de l’environnement et du développement rural à la mairie de Pinheiral), Mardem Marques (marché de gros CEASA de Rio) et Claudia Schmitt (professeure à l’université fédérale rurale de Rio de Janeiro) ont dressé un état des lieux à l’échelle de la commune et de l’état de Rio. En réponse, Sarah Muller (association Bruded qui regroupe des élus de communes rurales), Simone Boisseau (ville d’Alençon) et Dounia Besson (adjointe chargée de l’économie sociale et solidaire de la ville de Lyon) ont montré les diverses facettes déployées en France dans des collectivités de toutes tailles.

Toutes ces contributions ont pu être discutées avec les spécialistes présents lors de cinq ateliers participatifs :

  • Les systèmes alimentaires territorialisés et les cir­cuits courts
  • Les initiatives de consommateurs / citoyens / producteurs
  • La certification (bio et commerce équitable)
  • Les politiques publiques PNAE / PAA
  • L’état des lieux et le repérage des initiatives au Brésil    

La mise en commun des résultats de ces ateliers a permis de confirmer la différence entre les dynamiques françaises tirées par la société civile (producteurs, consommateurs) et la puissance des politiques d’achat public au Brésil. Il permet de mesurer le besoin de politiques nationales adaptées en France, pour soutenir les stratégies développées localement, mais aussi la fragilité du modèle brésilien dépendant d’une intervention centralisée massive. L’effritement du budget dédié à l’achat public au Brésil, constaté pendant le forum suite à la prise de pouvoir par les élites conservatrices, l’a confirmé.